Quand on parle de saké japonais et accords gastronomiques, on l’accorde souvent avec la cuisine du Soleil Levant. Cela est classique, attendu et bien sûr, ces accords fonctionnent à merveille : sashimis, sushis, tempura, fugu, wagyu… En France, on a beaucoup fait de communication sur un accord majeur : le saké et l’huître. Otsukimi avait même tourné une vidéo sur le Bassin d’Arcachon pour mettre en valeur cet accord parfait entre le saké et nos huîtres d’ici (mais celles d’ailleurs sont aussi très bonnes) !
Cependant, j’avais envie de vous parler d’un autre accord qui fonctionne très bien avec le saké et dont on entend pas (ou peu) parler. C’est le saké et le fromage. Comme pour le vin, il existe des centaines de sakés. Et comme pour le vin, il y a une multitude d’accords possibles avec les fromages.
Mais avant de vous faire baver avec quelques exemples bien précis, pourquoi le saké est-il l’ami du fromage ? Tout simplement parce que le fromage contient beaucoup d’umami. En particulier les fromages qui ont connu un vieillissement comme un vieux parmesan, un comté affiné plusieurs mois, une vieille mimolette ou encore un chèvre un peu passé !
L’umami est la clé de voute des accords avec le saké japonais qui en contient beaucoup. Par conséquent, quand on marie deux ingrédients qui ont de l’umami, ce n’est pas une addition mais une multiplication de cet élément savoureux qu’est l’umami. Alors oui, on sait que l’umami est synonyme de glutamate et qu’il est réalisé industriellement. Mais l’umami ce n’est pas que le glutamate, c’est aussi d’autres molécules qui existent (comme le glutamate d’ailleurs) naturellement dans des ingrédients. Petite anecdote (même deux) : le lait maternel contient beaucoup d’umami et le taux d’umami augmente ou diminue dans les ingrédients en fonction de leur saisonnalité.
Les ingrédients qui contiennent beaucoup d’umami sont le fromage, la viande rouge, les poissons bleus, les asperges, les oignons, les tomates et bien sûr la sauce soja. La liste est non exhaustive !
Plongeons maintenant dans le fromage. Y a-t’il des souris parmi vous ? Si oui, vous allez être servi ! Voici quelques accords que j’ai testé personnellement (j’ai donné de ma personne) et qui m’ont fait frémir de plaisir !
- La vieille mimolette avec un koshu. C’est un super accord qui allie puissance et délicatesse. Le koshu, ce saké vieilli au moins 3 ans, est puissant avec des arômes de riz soufflé, de sauce soja, de cacao, de cacahuète grillée, de champignon, de bois de santal, de torréfaction… Bref un tourbillon aromatique qui ne laisse pas indifférent avec des similitudes avec certains jerez espagnols. La vieille mimolette, pâte dure, est douce et crémeuse. L’accord crée des surprises et j’avoue que le koshu de la maison Daruma Masamune fait des étincelles sans oublier ce koshu de la maison Shimane. Même le MOF fromager Bernard Mure-Ravaud dit que c’est un très bel accord. Regardez cette vidéo pour vous en convaincre où il échange avec Xavier Thuizat, Chef Sommelier du Crillon, MOF et surtout Sake Samourai.
- Les vieux chèvres avec des sakés chauds. Et oui, n’oublions pas que nous pouvons jouer sur les températures. Les fromages de chèvre sont idéaux pour cela. Les pâtes molles sont délicieuses, crémeuses et onctueuses. Un chèvre madame est totalement sublime pour cela. Mais les chèvres évolués comme les crottins, les rocamadours ou les valençays sont également délicieux avec des sakés chauffés autour de 45/50°C. J’avoue avoir une préférence pour eux. La force du fromage est atténuée par la douceur chaleureuse du saké. L’accord est subtil et gourmand.
- Des chèvres frais grande gastronomie de Laure Fourgeaud de la Ferme du Châtain (aujourd’hui fermée mais vous pouvez trouver des inspirations grâce à son ouvrage Mes chèvres : élevage et recettes) qui réalisait des inserts d’huile d’olive, tomate, oeufs de saumon ou encore caviar. Des merveilles gustatives qui étaient des accords sublimes avec des sakés frais et fruités comme les Junmai Daiginjo type Kuheiji 50.
- Un vieux parmesan avec un saké en méthode traditionnelle comme un Kimoto ou un Yamahai. Les vieux parmesans sont délicieux surtout quand on croque les petits cristaux de sel qui se sont formés avec le temps. Ils ont du goût mais restent délicats. Les sakés en méthode traditionnelle (Kimoto ou Yamahai) ont beaucoup d’umami, de la texture et de l’authenticité. Ils se marient parfaitement avec ce type de fromage à pâte dur vieilli. On peut aussi faire l’essai avec un vieux comté : cela sera tout aussi délicieux.
- N’oublions pas aussi le Brillat-Savarin (truffé ou non) qui peut être un compagnon fort sympathique avec le saké japonais. L’avantage est que l’on peut le servir à température ambiante ou chaud en fonction de la saison et de vos envies. Le Hanafubuki de Shinkame Shuzo fonctionne très bien avec ce fromage qui a du goût et en même temps du fondant !
Souvenez-vous aussi que le pain a toute son importance. On va privilégier des pains bien cuits, croustillants et non des pains blancs qui sont plus compliqués à digérer. En avant les graines et même les fruits secs : l’accord fonctionne et les textures rajoutent une autre dimension au saké. Vous pouvez aussi vous lancer dans la fabrication maison de pain… avec du koji ! Retrouvez mon article sur le sujet ici !
Il y a beaucoup d’accords à faire avec le saké japonais. Etonnez vos convives en leur proposant du saké (avec modération toujours) et un plateau de charcuteries et de fromages ! Cela sera un succès garanti !
#Emission France Bleu Gironde du 26 Mai 2023 : cliquez sur le lien pour écouter le replay plus facilement et lire le super article d’Isabelle Wagner !