Nigoris & textures

Après un petit temps d’arrêt car j’ai été assez occupée avec l’ouverture de mon restaurant OBA, je reviens sur le blog avec des articles sans passage à la radio France Bleu Gironde (rebaptisée Ici).

OBA – Izakaya bistronomique

Ma collaboration a la radio s’est arrêtée en octobre dernier, de façon un peu brutale. La radio, avec son changement d’identité, a voulu aussi changé de cap. Ce qui est compréhensible. Depuis quelques mois j’avais lancé en parallèle mon podcast KOME : vous pouvez donc toujours m’écouter (mais plus longuement) parler de saké, d’alcools nippons et de culture gastronomique nippone.

Podcast KOME à retrouver sur toutes les plateformes

C’est donc l’occasion de repartir sur le blog avec des articles plus complets et parfois des sujets plus complexes. Mais toujours autour du saké… et des autres alcools japonais.

Le saké nigori (ou nigorizaké) est un type de saké particulier. On aime ou on n’aime pas ! En effet, le nigori est un saké non filtré en opposition au sumizake, un saké clair et limpide qui a été filtré. Aussi l’aspect du nigorizaké est laiteux, ce qui peut, parfois, renfrogner certain consommateur.

La première fois que j’ai rencontré un nigori, je ne savais pas trop quoi en penser visuellement. Il était blanc comme un nuage (on dit « cloudy saké » en anglais et nigori peut être traduit par nuageux) ! Au nez, j’ai tout de suite senti de la fraîcheur, presque zestée avec des notes de riz prononcées. En bouche, il y avait de la texture. On était pas loin du yop ! C’était toujours aussi frais, fruité et sur le riz au lait.

Sake Matters

Les nigoris peuvent être obtenus de deux façons :

  • Par une filtration plus légère que les sakés classiques, afin que des résidus de riz que l’on appelle saké kasu (lies de saké) restent dans le liquide (les petits trous du filtre sont d’environ 2mm). Attention les nigoris sont des sakés filtrés par opposition au doburoku qui ne le sont pas !
  • Par une filtration totale du produit (on obtient donc un saké transparent, sumizake). Puis on va filtrer le saké kasu voir le réduire en bouilli fine pour le re-mélanger avec le sumizake.

On dit souvent que le saké nigori est le saké originel car à l’époque, il n’était pas filtré comme aujourd’hui. De plus, il est vrai que ses arômes de riz sont très distinctifs. C’est un produit brut, sorti de cuve (ou presque !). Sec ou sucré, léger ou épais, pétillant ou tranquille, pasteurisé ou non… Il y a une grande diversité de nigori !

Pourtant, la définition légale du saké a été pendant longtemps en lien avec sa turbidité: il fallait un sumizake. C’est en 1964 que Masuda Tokubee Shoten à Kyoto va demander un changement de législation pour pouvoir reproduire des nigori.

J’avais aujourd’hui envie d’aborder les différentes textures du saké nigori car j’en ai rencontré bien des types : toujours sur la blancheur mais plus ou moins limpide ! Cependant en cherchant s’il existait des dénominations en fonction de la texture (ou turbidité), j’ai trouvé plusieurs appellations.

  1. DoroDoro : 1/4 de la bouteille représente des sédiments. C’est donc un saké avec de la matière. J’ai aussi vu que DoroDoro pouvait être écrit ToroToro…
  2. Nigori : la couche au fond de la bouteille fait environ 1cm. C’est un saké laiteux.
  3. Origarami : on voit une couche très fine de saké kasu au fond de la bouteille. Le saké est légèrement coloré mais très finement. On l’appelle aussi Orizake.
  4. Kasumi : avec quelques éléments en suspension. C’est vraiment très light.

Ou :

  1. Orizake : texture fine.
  2. Sasa nigori : texture légère et douce.
  3. Usu nigori : texture fine et légère.
  4. Kassei nigori : texture pétillante et épaisse.
ComerJapones
  • La texture crémeuse et épaisse du DoroDoro

Je pense que ce sont des sakés nigoris assez rares. La texture est véritablement crémeuse comme un lait épais (yop ! yop !) ou une crème liquide. Cela donne alors un corps riche avec une petite sucrosité intéressante.

Le saké est soit filtré avec l’incorporation du saké kasu « broyé » pour conférer une texture soyeuse ou alors on peut très bien juste retirer les éléments les plus grossiers présent dans le saké non filtré.

Le saké nigori le plus représentatif de cette catégorie est le saké nigori Kiyomori Heian à 33 euros de la Maison Enoki située à Hiroshima.

Le nigori super crémeux de la Maison Enoki

Cependant vous pouvez aller encore plus loin avec le nigori le plus intense au Japon : les lies représentent jusqu’à 90% du contenu de la bouteille. Il s’agit du saké Shirakawago Nigorizake de Miwa Shuzo.

Copyright de Issé
  • La texture lisse avec des particules fines en suspension du nigori

On est plus sur un saké nigori trouble que totalement opaque. On peut voir très clairement un dépôt au fond de la bouteille et il faut bien sûr secouer le tout pour que les matières se remettent en suspension.

Les nigoris sont donc plus légers, plus fruités que les DoroDoro. Dans cette catégorie, j’apprécie le Sayuri Nigori de la très célèbre maison Hakutsuru. Son design rose bonbon qui rappelle le temps des fleurs de cerisier fait fureur. C’est frais, fruité et léger.

Sayuri
  • L’Origarami

Origarami et Orizake sont en fait le même produit. La méthode de production de ce type de nigori est un peu différente.

En effet, après avoir pressé le saké, on va le laisser reposer dans une cuve pendant 7 jours afin que naturellement, par gravité, les particules les plus lourdes se mettent à tomber au fond. Cette méthode s’appelle « oribiki ». Les sédiments très légers qui ont floculé s’appelle « ori » d’où la dénomination orizaké et origarami.

Lors de la mise en bouteille, les ori ne sont pas retirées. Ces lies fines sont embouteillées avec le produit et apportent de l’umami et des notes aromatiques plus prononcées.

Comme joli produit orizake, voici un saké français de la fameuse maison Les Larmes du Levant qui s’appelle Tenshin. Grégoire Boeuf, le producteur a rajouté 12cl de ori, ses lies qui restent au fond des cuves à la fin de la fermentation, dans une cuve de 300L de son saké filtré ! Et ça change tout côté gustatif !

Tenshin
  • La texture effervescente ou légèrement pétillante : Kassei nigori

Il s’agit ici aussi d’une méthode de production particulière qui fait penser à celle du Champagne (de loin, dans le brouillard). En effet, le saké est mis en bouteille alors qu’il n’a pas totalement terminé sa fermentation. Par conséquent, cette dernière se poursuit en bouteille : le C02 se dissout pour former des futures bulles et les levures mortes se déposent au fond de la bouteille.

On obtient un saké légèrement pétillant frais et légèrement trouble. Il est très rare de trouver l’appellation Kassei nigori sur l’étiquette, on parlera plutôt de nama nigori (saké trouble non pasteurisé).

Dans cette catégorie, j’ose mettre le Sparkling de la Maison Ninki Ichi. On a un léger dépôt au fond de la bouteille et la pétillance est très agréable.

Photo de Sakeatpills

En tout cas en fonction des textures, les sakés nigoris sont intéressants à travailler en cocktail. Je vous mets ici une recette du Pamplemousse miel saké cocktail. Idéalement il faut le faire avec le nigori de Hakutsuru mais vous pouvez prendre un autre nigorizake. On rajoute alors du jus de pamplemousse frais et du miel. On sert sur glace et on peut mettre un peu de sucre sur le pourtour du verre avec une rondelle de pamplemousse et un brin de romarin en décoration. Qu’en pensez-vous ?

Les nigoris sont aussi à tester en accord avec de la nourriture, notamment les desserts et les plats épicés : leur aspect laiteux calme la chaleur des épices. Un petit tips : rajouter une pointe de poudre de poivre japonais « sansho » dans son nigori : cela va être délicieux pour faire ressortir les notes d’agrumes et c’est Marie Chiba qui le dit !

J’espère que cet article vous a plu pour découvrir un peu ces sakés si spéciaux que sont les nigoris. Bien sûr, on peut les tenter frais ou à température ambiante sans oublier d’utiliser de la verrerie traditionnelle !

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.

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