J’ai déjà écrit un article sur l’élevage des vins en mer et son effet bénéfique sur l’évolution de ces derniers: peut être vous en souvenez-vous? C’était lors d’une dégustation comparative au Château Larrivet Haut-Brion, dégustation fort sympathique au demeurant et qui continue de m’intriguer ! Alors, figurez-vous que lors de mes recherches, j’ai déniché un vin élevé dans le Bassin d’Arcachon! Pour mon cours de dégustation Vincroyables que je propose aux bordelais à domicile, je me suis dit banco! Il fallait que je goûte ce vin, que je réitère l’expérience de la mer et que je le fasse goûter, que je partage cette découverte.
La mer qu’on voit danser… Lalala… Et le vin que l’on verse dans le verre me rappelle durant un court instant la vague d’Hokkusai. Poète, peut-être ne doit-on pas oublier le côté liquide de la force et le côté force de l’alcool? Qu’en est-il de ce vin élevé dans le bassin d’Arcachon ? Car le vin dont je vais vous parler n’est pas issu d’un Cru Classé de Pessac Léognan et on ne l’a pas mis dans le parc à huîtres de Monsieur Joël Dupuch! Verdict ?
« Plus d’hommes se sont noyés dans l’alcool que dans la mer«
Le Blanc des Cabanes est un vin blanc de la région des Graves produit par le Château du Coureau basé à Haux. Assemblage classique entre Sémillon et Sauvignon Blanc mais élevage atypique puisque immergé dans le Bassin d’Arcachon proche de l’île aux Oiseaux. Mesdames les bouteilles ont fait le voyage apnéique de leur vie et ont connu le temps d’un instant (4 mois tout de même) la vie d’une huître. Lorsqu’elles sont ressorties de leur périple aquatique, elles étaient vêtues d’algues, de crabes et d’étoiles de mer ! Mais où est la perle, me direz-vous? Dans votre verre dorénavant!
Verdict donc, c’est génial! Disons que cela me plaît ! Mais oui, peu importe l’origine, la mer a fait son œuvre. Et pour être sincère, je ne sais pas si c’est parce que c’est un vin blanc, mais le résultat est bien moins waterproof que pour la cuvée Neptune rouge de notre grand cru. Ce que je veux dire c’est que l’on sent beaucoup plus les embruns dans le Blanc des Cabanes. Quelque chose s’est rajouté au vin blanc de Franck Labeyrie, il y a eu une métamorphose. Lors de la dégustation on sent toujours, et heureusement, le Graves blanc. On le reconnaît, on le perçoit, c’est indéniable. Mais comme la vague qui recouvre légèrement de son écume le bord de la plage, le Blanc des Cabanes a un film iodé qui l’enveloppe… Pour en savoir plus, je vous invite à poursuivre votre lecture jusqu’à mon commentaire dégustation !
Franck Labeyrie est jeune et il a de la suite dans les idées… Je n’ai pas pu le rencontrer encore, mais j’espère un jour prochain discuter avec lui de son idée un peu folle. Avec un copain ostréiculteur, ils ont marié leur savoir-faire et 4000 bouteilles ont été immergées en 2009, couchées dans des poches ostréicoles. L’aventure, depuis, continue…
Je suis allée chercher mes bouteilles au Château du Coureau. Proche de Langoiran, à 30 bonnes minutes de Bordeaux, il est assez dépaysant de récupérer ces bouteilles loin du Bassin. La présentation est soignée: 3 bouteilles sont lovées paisiblement dans une bourriche sur un lit de paille, comme de petites huîtres! Un couteau pour ouvrir des huîtres est offert justement, délicate attention qui nous oriente dans notre accord met et vin. Ensuite, mes chers lecteurs, il ne faut pas être choqué par l’apparence des bouteilles. Ayant fait mes études en marketing et étant très sensible au marketing sensoriel, je dois dire bravo pour cette audace. Oubliez la nappe blanche ou alors privilégiez le dessous de bouteille car vous risquez de laisser un peu de vase ou de moules sur la table. Un petit cordage blanc entoure la bouteille avec une étiquette, c’est simple et efficace.
Blanc des Cabanes, Château du Coureau, Graves Blanc (Sémillon et Sauvignon Blanc)
Le vin est clair et limpide (non, n’ayez pas peur de trouver une crevette dans votre verre). D’un joli jaune paille, le vin paraît vif. Le premier nez est aromatique et frais. On reconnaît les cépages avec le citron et la pêche. Le second nez laisse éclater un peu plus de subtilités. Curieusement on sent l’iode, un côté salin, marin, un côté bord de mer avec épuisette et maillot de bain! Toujours frais et citronné, de légers épices apparaissent. La bouche est ample, simple, directe et oh surprise, elle est presque salée ! On se dit que cela irait vraiment bien avec des huîtres, des crustacés ou un poisson. Et cela tombe bien car je l’avais prévu et mes crevettes sautées au citron étaient encore plus délicieuses avec ce vin blanc. J’ai fait cette dégustation à table pour changer car je pensais qu’il s’agissait véritablement d’un vin à boire accompagné (même si je l’ai dégusté nu d’abord). A ma gauche, il y avait mon père, méditerranéen et surtout élevé par un grand-père pêcheur. Il a reconnu en arrière bouche la douceur d’un oursin tout juste sorti de l’eau avec un trait de citron… Un souvenir d’enfance. Rien de mieux pour démarrer un repas! La finale de ce vin n’est pas extrêmement longue. Mais après tout, ce n’est pas ce qu’on lui demande. En effet, je pense que ce que l’on veut c’est un vin atypique, séduisant et surtout un mariage réussi avec des produits frais de la mer. Challenge accepted et accomplished !