Ca y est, nous sommes en janvier… et nous n’y réchappons pas, le dry january est de retour. Est-ce que vous connaissez ce concept qui prend de plus en plus d’ampleur ? Il s’agit du mois sans alcool. A la base, il s’agissait d’un défi que l’anglaise Emilie Robinson a lancé officiellement en 2012 via l’organisation Alcohol change UK. Ils étaient 4000 en 2013 et cette année, en 2024, 17 millions de personnes dans le monde comptent y participer.
Il s’agit d’un mois sobre après les excès potentiels de décembre. Il y a même des applications pour regarder l’argent que l’on a épargné, les calories non ingérées… Les participants parlent des bienfaits de ce challenge : une meilleure concentration, un sommeil amélioré. Bref, que du plus.
Pourtant certains ne voient pas d’un bon oeil ce dry january. Et je ne parle pas que des professionnels des alcools (rappelons que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération) qui ne voient pas l’intérêt de ce concept ou qui mettent en avant son hypocrisie (je ne bois pas en janvier et je me rattrape en février). Mais je parle aussi des professionnels des softs ! En effet, dry veut dire sec… et laisse sous entendre qu’aucune boisson (alcool ou pas) ne doit être prise.
Or, il y a des water sommeliers qui expliquent que le dry january devrait changer de nom… Après tout, l’eau n’est-elle pas la boisson la plus importante au monde ? Sans eau, il n’y a pas de vie ! Alors qu’elle est cette aberration de prôner un dry january ? Cela devrait être un « hydrate january » ou un « moist january » ! C’est même le très célèbre water sommelier Martin Riese qui en parle.
L’eau c’est magique. Je me suis plongée dans l’eau il y a plusieurs mois et c’est un sujet passionnant. Tellement que j’ai réussi à faire 28h de cours sur le sujet pour le compte d’une école à Bordeaux… On a des eaux minérales, des eaux de source, des eaux de glaciers, des eaux d’iceberg, des eaux de nuages… Bref, pleins d’eaux qui ont toutes, plus ou moins, des bénéfices pour la santé.
Alors me vient une question… Si on doit rester hydrater et que le saké est 80% d’eau au moins. Est-ce que le saké rentre dans le dry january challenge ? Bon ok, il y a de l’alcool mais il y a aussi beaucoup d’eau ! #boutade
L’eau est un élément crucial du saké japonais. C’est même le terroir du saké puisque l’eau provient du lieu de production alors que le riz peut être cultivé dans d’autres préfectures. Un compliment ultime à faire à un producteur serait de lui dire que son saké est aussi facile à boire que de l’eau. Et quand on visite une maison de production, une kura, il arrive souvent que l’on nous fasse déguster l’eau avant de goûter au saké.
L’eau a-t’elle des goûts ? Des saveurs ? Des odeurs ?
La réponse est oui… Il existe des eaux douces (faibles avec un petit taux de calcium et de magnésium pour faire simple) et des eaux dures (fortes avec un grand taux de calcium et de magnésium) qui vont avoir des textures différentes. Puis en fonction des roches que l’eau va traverser (si elle en traverse), elle va se charger en minéraux qui peuvent apporter des goûts.
Je vous avoue que, pour avoir dégusté beaucoup d’eaux ces derniers temps, il est difficile parfois de faire des commentaires dégustation. Il y a beaucoup de textures dans les eaux, parfois des goûts. Mais c’est extrêmement subtil.
Pourtant, dans beaucoup de domaines, l’eau est souvent mise en exergue. Le marketing joue beaucoup sur la qualité de l’eau. C’est le cas dans le monde du whisky et c’est aussi le cas dans le monde du saké. On va parler de la pureté de l’eau, de sa fraîcheur… Et cela aura un impact dans l’esprit des gens qui vont faire un incroyable transfert sur le produit.
Cependant, il est important de comprendre que les japonais sont amoureux de l’eau : leurs eaux sont pures et douces. Ils ont aussi beaucoup de onsen, des bains d’eau chaude naturels. En Asie en général, l’eau est cruciale. La qualité de l’eau est primordiale tant au niveau de sa consommation courante que de son utilisation pour la préparation des plats. En effet, quand on cuisine avec de l’eau, ses sels minéraux et oligo-éléments vont imprégner les aliments. L’eau est un « médicaliment » ou un « alicament »… Comme vous voulez mais vous comprenez le concept ! Le marché de l’eau en Asie est énorme et il y a beaucoup de water sommeliers alors qu’en Occident ce n’est pas encore le tsunami…
Preuve en est de l’Eau d’Issey Miyake dans les années 1990. Le grand couturier, Issey Miyake, voulait un parfum « clair comme de l’eau, l’odeur d’une brumisation produite par une chute d’eau, se mêlant aux parfums des fleurs et à la senteur des bois de printemps ». Le parfum est d’une criante simplicité, telle une goutte d’eau qui coule sur la peau car pour lui c’était ça, la beauté pour une femme. Et pourtant, son odeur est complexe. Il s’ouvre sur des notes de lotus associé à des touches de freesia et de la cyclamen. Le coeur floral est composé d’oeillet, de muguet, de pivoine et de lys. Enfin, le fond est imprégné de bois précieux avec du musc et de l’osmanthus. Ce sont les nez Chantal Roos et Jacques Cavallier qui seront à l’origine de ce parfum culte qui fait toujours fureur et donc le concept, unique, était à contre courant de ce qu’il se faisait à l’époque.
Dans le saké, on peut retrouver ces notes. L’eau apporte de la texture et de la saveur et cela varie en fonction des préfectures. Par exemple, la préfecture de Hyogo est le siège de la fameuse Miyamizu, une eau culte et plutôt dure (pour le Japon car toutes les eaux sont à majorité faibles). Elle va donner des sakés dits « masculins » avec de la droiture et de la puissance. A l’inverse, la préfecture d’Hiroshima est connue pour avoir des eaux extrêmement douces. Tellement qu’il était presque impossible de faire du saké jusqu’à ce qu’un brillant Toji (maître brasseur) ne trouve une solution. Depuis, les sakés de Hiroshima sont considérés comme étant « féminins » avec de la fluidité et de la fraîcheur.
Des maisons de production vont jouer sur l’origine de l’eau. Certaines utilisent de l’eau des glaciers par exemple ou l’eau de la fonte des neiges pour faire leurs sakés. Ses lieux de production sont souvent dans des préfectures connues pour des chutes de neige importantes comme l’île d’Hokkaido et la préfecture de Niigata qui est le « pays des neiges ». Des kura vont même vieillir leur saké dans des igloos de glace pour rajouter à l’image de pureté et de fraîcheur.
Bref, vous l’avez compris, l’eau est importante dans la production du saké japonais. On va nettoyer le riz, le tremper pour le ré-hydrater, on va cuire le riz à la vapeur d’eau, faire la sakéification avec de l’eau, laver le matériel et le lieu de fabrication à grandes eaux et aussi faire une réduction du taux d’alcool avec de l’eau. L’eau est partout. Son goût, sa pureté, sa texture sont donc importantes et c’est la raison pour laquelle il est dit que là où il y a une bonne eau, il y a aura du bon saké !
#Emission France Bleu Gironde du 16 janvier 2024 avec Marie-Corine Cailleteau : cliquez sur le lien pour écouter le replay plus facilement !