Nous sommes à l’aube du printemps. Quelques fleurs vernales, timides, font leur apparition. Le temps change doucement. L’air devient plus doux malgré les gouttes de pluie. Pourtant, le froid est encore là et nous invite à prendre un petit verre de saké chaud pour nous réconforter.
Le langage des fleurs est secret… Et un grand nombre de maisons de saké utilisent des fleurs soit dans leur nom, soit dans la production du saké lui-même. Voyons dans un premier temps quelques noms de Kura (lieu de production) emblématiques qui font référence à des fleurs, puis dans un second temps, l’utilisation de levures de fleurs dans la production du saké !
Il y a beaucoup de Kura qui ont des noms en lien avec la flore et en particulier certaines fleurs très symboliques.
- Sakura : on ne présente plus les fleurs de cerisier ! Elles annoncent l’arrivée du printemps et fleurissent en général à partir de mars et surtout au mois d’Avril. Au Japon, il existe même une carte de la floraison des cerisiers, hanami, avec les dates… Cette fleur, éphémère, délicate, est un véritable symbole du Japon. On retrouve « sakura » dans plusieurs noms de Kura comme Sakura Masamune ou encore Echigosakura Shuzo.
- Kiku : c’est le chrysanthème qui est le symbole de l’Empereur du Japon. Fleur représentant la lumière, le soleil, plusieurs Kura ont pris « kiku » dans leurs noms comme Kiku Masamune Shuzo ou encore Kikusui Shuzo.
Enfin, certaines maisons de saké n’hésitent pas à utiliser des levures de fleur pour la production de leur nihonshu. Les levures sont des micro organismes incroyables qui transforment le glucose en alcool et en gaz carbonique (pour faire simple) ! Chaque fleur, chaque plante, a sa levure. Il est donc possible de l’extraire. Et c’est ce que le professeur Kubo Nakata, à l’Université d’Agriculture de Tokyo, a réussi à faire pour la première fois en 1998. Il a aussi été à l’origine d’une levure de cassonade qui est utilisée dans la production d’awamori à Okinawa !
Les levures de fleurs sont fragiles et délicates. Rien que leur extraction est compliquée ! En effet, la floraison est courte : il faut donc extraire rapidement. De plus, la fermentation est longue. Il faut des années d’expérience pour réussir à obtenir des sakés tirant tous les bénéfices de ces levures.
C’est la spécialité de plusieurs maisons : Harada Sake Brewery, Nishi-Iida Sake Brewery… Et Amabuki Sake Brewery (à Saga) qui ne produit des sakés qu’à partir de levures de fleur ! Vous pouvez d’ailleurs retrouver ici un de leur saké fait avec de la levure de fleur de fraisier que j’ai sélectionné pour Otsukimi. Vous pouvez aussi retrouver une gamme plus large sur le site de l’importateur Midorinoshima (avec qui je travaille régulièrement) ! Je connais la question qui vous brûle les lèvres : est-ce que l’on sent la fraise en dégustation ? La réponse est oui et non ! Il est vrai que ce saké a des notes de fruits rouges. Mais est-ce que cela provient de la levure, je n’en suis pas sûre à 100%.
En tout cas, c’est une belle découverte. La maison Amabuki utilise jusqu’à 11 fleurs différentes : de la fleur de fraisier en passant par le bégonia ou encore la rose sauvage. Un éventail d’arômes s’ouvre à nous ! La maison précise qu’en fonction des levures, des arômes vont être créés : plutôt pomme ou poire, banane ou des arômes frais de l’acide malique. Qu’en pensez-vous ? Le langage secret des fleurs peut servir à faire un cadeau hors du commun ! Oubliez le bouquet de fleurs, choisissez une bouteille de saké à base de levure de fleur pour exprimer vos sentiments !!
Lors de ma dernière visite au Japon qui remonte à Février 2020 (juste au début de la COVID !!), j’avais eu l’occasion de déguster un saké réalisé à partir de levures de fleurs de cerisier et un autre à base de levure de gingko biloba. C’était intéressant et je pense que ce sont des créations que nous allons voir de plus en plus sur notre marché français !
#Emission France Bleu Gironde du 10 mars 2023 : cliquez sur le lien pour écouter le replay plus facilement et lire le super article d’Isabelle Wagner !