Oui, le saké sucré cela existe ! Cela s’appelle même un Kijoshu. Il n’y a pas vraiment de législation concernant le taux minimum de sucre mais en général, ils sont doux voir liquoreux.
En 1973, Makoto Sato met en place une méthode moderne pour produire un saké sucré. Il travaille à cette époque dans les laboratoires de recherche sur les fermentations alcooliques du Ministère des Finances. Il faut dire qu’à cette époque, le Japon cherchait une alternative au vin et au champagne pour la diplomatie. Ni une, ni deux, l’idée d’un saké plus luxueux, sucré, est née.
Comme vous le savez maintenant, car vous êtes tous des professionnels du saké grâce à mes petits articles, la fermentation alcoolique du saké, le Moromi, se passe en 3 étapes. Après avoir fait notre pieds de cuve (le Shubo), on va mettre le mélange dans une plus grande cuve et rajouter à chaque étape de l’eau, du riz koji et du riz cuit. Sauf que pour produire du saké sucré, on décide à la dernière étape (Tomozoe) de rajouter non pas de l’eau mais du saké !
Ainsi le taux d’alcool augmente dans la cuve. Le taux de sucre reste le même (puisqu’on ne rajoute pas de sucre) mais les les levures sont dépassées et stoppent leur travail. Etant d’ailleurs stressées par un milieu peu agréable, elles produisent plus d’acide. C’est un peu un sytème de mutage comme pour les Vins Doux Naturels.
On obtient donc un saké avec un taux d’alcool classique mais avec plus de sucrosité et plus d’acidité. Un saké équilibré et gourmand. C’est d’ailleurs l’équilibre que chaque vigneron/vigneronne recherche dans la production d’un bon liquoreux.
D’ailleurs si je dis que c’est seule la méthode, je mentirais. Elle a certes était remise au goût du jour dans les années 70 et en a suivi le développement de produits magnifiques. Notons, qu’en 1974, la Brasserie Enoki Shuzo lança son premier Kijoshu : la Kura est toujours leader sur le marché pour ses produits de qualité. Mais en définitive, une méthode de mutage existait déjà durant la période Heian (8ème au 12ème siècles) : la méthode Shiori qui est décrite dans le livre Engishiki.
Doux, velouté, puissant. Le Kijoshu peut être élevé pour gagner en complexité. Comme pour le Koshu, le saké vieilli, la chaîne de Maillard va se dégrader et le saké va prendre des notes empyreumatiques ainsi qu’une couleur dorée. Fruits secs (amande, noisette), miel, caramel, rose, vanille, abricot, zeste d’orange, sauce soja, riz soufflé, maïs grillé… Une belle palette aromatique que l’on peut facilement marier avec des plats.
Je me souviens d’un très bel accord au restaurant Nama à Bordeaux : un magret de canard sauce au miel et épices avec un magnifique Kijoshu. L’exercice était intéressant car c’était proposé à l’aveugle avec un autre liquoreux : un Sauternes. Bluffant ! Mais vous pouvez également l’accorder avec des fromages, des volailles (petit poulet fermier avec ses pommes de terre sautées), du poisson (blanc de préférence), en apéritif, avec du foie gras…
Pour les amoureux des liquoreux, je vous conseille le Kijoshu : c’est un bijoux qui mérite un peu plus de mise en lumière ! D’ailleurs Monsieur Alain Ducasse vient de lancer avec la Brasserie Shichiken un saké kijoshu pétillant bientôt disponible en France !
#Emission France Bleu Gironde du 13 Avril 2021 (pour réécouter le passage en cliquez sur le lien)