Yquem ? Encore ? Et oui, je dois dire que je fais preuve d’une certaine accoutumance ! Ce week end (Samedi 15 et Dimanche 16 Décembre) avait lieu le Bordeaux Tasting organisé par Terre de Vins, Place de la Bourse. La pluie était au rendez-vous et j’y étais également !! Arrivée à 11h sur place, je suis repartie après 18h ! De beaux noms étaient présents : Cos d’Estournel, Gruaud Larose, L’Olivier, Carbonnieux… Mais il y avait aussi de belles personnes comme Bernard Magrez qui présentait ses fleurons bordelais.
Lieu magnifique, crus d’exception (plus ou moins bons à la dégustation, il y a eu des petites surprises…) et surtout des Masters Class prometteurs : « Millésime 1982, le mythe à 30 ans », « Spéciale Château L’Angélus », « 2009: Notés 100/100 par Parker ». Tous avaient l’air très appétissants mais un seul m’a fait frémir de bonheur : « Spéciale Château D’Yquem ». Telle une pochette surprise, ce titre était un peu vague… Mais c’est le principe d’une pochette surprise, non ? La dégustation était donc réalisée par Gérard Brasset, Meilleur Sommelier au Monde 2010 (élus tous les 4 ans, ils sont donc peu nombreux) et sous l’égide de Pierre Lurton en personne, le Directeur du Château d’Yquem et de Cheval Blanc ! Une dégustation ? Mais de quoi ? Tout simplement de Y D’Yquem 2011 (le vin blanc sec) puis d’une petite verticale des meilleurs derniers millésimes du Château : 2005, 2001, 1997 et 1990. Banco, j’ai donc sauté sur l’occasion… Après m’être allégée de quelques 150 euros, le rendez-vous était pris !
« Ne simplifiez pas ce monde de complexités » Pierre Lurton à son équipe
Je m’installe dans la petite salle où 25 privilégiés vont pouvoir assister à ce Master Class. Pierre Lurton fait son entrée, svelte dans sa veste en velours noire au col mao, il paraît sympathique et accessible. Poignée de main ferme, petit mot pour chacun et le Master Class va pouvoir démarrer. Le discours est clair, net et bien rôdé mais quel plaisir d’entendre parler Pierre Lurton. Sa voix est posée, la gestuelle est comme celle d’un Chef d’Orchestre… Serais-je sous le charme du personnage ? Il y a de grande chance. Mais je retrouve le discours d’un homme passionné au parcours plus qu’hors norme, alors forcément ça me parle !
Le Château D’Yquem c’est donc de la ‘buvabilité » et de la fraîcheur. Exit la sucrosité, on recherche la légèreté. Pierre Lurton, fan de voile, se dit être à la tête d’un beau voilier, la coque est superbe, l’allure est fière, les voiles bombées par le vent mais cela ne suffit pas pour gagner la course ! En effet, l’équipage est ce qu’il y a de plus important ainsi que la stratégie mise en place. Pierre Lurton a donc l’habitude de dire à ses équipes de ne pas simplifier la complexité du Sauternais !
Y D’Yquem, c’est la rencontre que j’attendais le plus. Entre 8 000 et 10 000 bouteilles sont produites chaque année. Autant dire que ce vin est synonyme de rareté. Depuis 15 ans, une vendange est faite sur les meilleures parcelles de la propriété afin de récupérer des grains à parfaite maturité et qui ne sont pas attaquées par le Botrytis. Assemblage de 60% de Sauvignon Blanc dont on retrouve quelques arômes terpéniques et de 40% de Sémillon, Y est un Bordeaux Blanc Sec (7 à 8 g de sucre résiduel pourtant).
– Y d’Yquem, 2011 (60% Sauvignon Blanc et 40% Sémillon).
Robe difficile à décrire… Verte avec des reflets argentés, unique, avec de belles larmes. Le premier nez est légèrement boisé mais surtout fumé. D’une grande fraîcheur et d’une grande minéralité, le pamplemousse vert, la pêche blanche et l’abricot sont les premiers arômes fruités qui apparaissent. Une touche épicée de gingembre complète ce premier tableau. Le second nez est puissant, toujours épicé et permet de reconnaître des notes botrytisées de fruits confits comme l’angélique, l’ananas et l’abricot. La bouche enfin a une attaque fraîche et acidulée. Le boisé et le fumé se mêlent au citron et au pamplemousse. Bien équilibré, le vin se termine par une finale minérale et fleurie. Très long et délicat, des notes de raisin de Corinthe surgissent de nulle part… Etonnant et unique. C’est un bon vin blanc sec.
2005 est une année d’exception : la plus sèche depuis 1877. Les vendanges au Château ont démarré le 19 Septembre et se sont arrêtées le 28 Octobre. Pierre Lurton nous dit que cette année a été intense… Mais que ‘le plus beau stress est le stress hydrique’ !
– Château d’Yquem, 2005 (13,3% d’alcool, 141g de sucres résiduels et 3,6 d’acidité totale).
D’un bel or limpide et brillant, profond avec une belle intensité, la robe se pare de belles larmes…de joie ! Le premier nez est très aromatique, un peu mentholé avec des notes de prune verte, de mangue, de biscuit amaretto et de poire caramélisée. Le miel aussi se mêle à l’ensemble. Ce nez est d’une puissance contenue ! Le second nez est très puissant avec un peu de cire d’abeille, de mangue confite et de miel de pin. La bouche enfin est fraîche et extrêmement agréable. Des saveurs de bois de santal et de mangue se mélangent : l’exotisme est de rigueur. Des touches d’orange confite et de clou de girofle apparaissent progressivement. Très rond, velouté… Chose promie, chose dûe : les Château D’Yquem sont synonymes de complexité. La finale rappelle la prune à l’eau de vie et limite le cacao. Très longue, elle se termine agréablement sur les fruits secs !
Voici venu le temps de la dégustation le plus palpitant : la dégustation du Château D’Yquem 2001… L’année extraordinaire, l’année parfaite d’une violente concentration avec une climatologie hors du commun. Pour ce millésime, Robert Parker donna sa note maximale : 100/100.
– Château D’Yquem, 2001 (13,6% d’acool, 150g de sucres résiduels et 4,55 d’Acidité Totale).
D’un or profond plus intense que le 2005, la robe a des reflets orangés et des larmes (toujours de joie) profondes et épaisses. Le premier nez présente des arômes de mandarine confite. On sent la puissance de ce vin et les fruits exotiques rôtis comme l’ananas et la mangue. Il y a toujours un côté mentholé présent apportant une belle fraîcheur. Le miel aussi est toujours là. Le second nez est très frais, prenant et avec des notes de mandarine, d’orange et de mangue. La bouche est safranée avec des touches d’orange. D’une belle acidité, le raisin de Corinthe se marie bien avec l’abricot sec… Le pamplemousse rose fait partie de la noce ainsi que le bois de santal. Très beau et très imposant, la finale fraîche est sur l’abricot sec avec des notes de pâtes de fruit.
1997 est une année difficile : c’est l’année de la mort de la Princesse Diana mais aussi de Mère Térésa et du Capitaine Cousteau… Les années en 7 connaissent un climat particulier proche de l’été indien. Petite anecdote, les vendanges ont duré 2 mois et il y a eu 7 tris en tout au rythme des pulsations induites par le taux d’alcool potentiel. En effet, le premier matin, la Maître de Chais a vu arriver des raisins dorés dont le taux d’alcool potentiel était trop bas : changement de plan, il faut prendre des raisins rôtis. L’après-midi, les raisins qui rentrent au chai avaient un taux d’alccol potentiel trop haut. De nouveau, changement d’orientation : il faut récupérer des raisins entre deux… Voici un exemple de ce qu’est la pulsation de vendange !
– Château d’Yquem, 1997 (13,5% d’alcool, 140 g de sucres résiduels et 4,2 d’Acidité Totale).
Ce 1997 commence à devenir orangé : on va donc dire que sa magnifique robe est d’un or aux reflets orangés délicats. Intense et brillant, les larmes fines continuent de s’élancer dans le verre. Le premier nez semble fermé… Dommage, je dirais (avec confirmation de Gérard Brasset et de Pierre Lurton) que ce Château D’Yquem est dans le creux d’une vague, il faudrait attendre de nouveau un petit peu pour qu’il parvienne au sommet de la vague, enfin du Tsunami, taille proportionnelle à notre attente ! Il n’empêche que même discret le premier nez propose des notes florales ainsi que des touches de melon confit, de tabac blond et de réglisse. Le second nez est un peu plus ouvert mais reste délicat. Frais sur le tabac blond, l’orange confite, le coing et la mandarine. La bouche enfin a une belle acidité, épicée sur le safran. Des notes de fruits détonnent comme la poire, le citron ou l’orange confite. Veloutée et droite, la bouche est vraiment séduisante. On ressent pourtant une diminution de l’impression de sucrosité. La finale apparaît sur l’abricot sec, longue et toujours aussi délicate.
Enfin, voici venu le temps du dernier verre… Et pas du moindre puisqu’il s’agit du Château d’Yquem 1990. Pierre Lurton nous explique alors qu’il est à la tête du Château Cheval Blanc depuis 1991 après avoir quitté le Clos Fourtet. Petite anecdote amusante : les propriétaires de l’époque du Château Cheval Blanc (la famille Fourcaud-Laussac) avaient dit à Pierre Lurton que son nom de famille pouvait poser quelques problèmes sachant que les gens pouvaient faire un amalgame et croire que la célèbre famille Lurton détenait le château. Alors il aurait fallu qu’il prenne par exemple le nom de famille de jeune fille de sa mère. J’imagine alors Pierre Lurton, un sourire en coin répondre : « Cela va être un problème également car Maman s’appelle Lafitte !! ». La morale a donc été qu’il conserve son nom. Vous pouvez d’ailleurs retrouver l’histoire de cette fameuse famille sur ce site internet.
– Château d’Yquem, 1990.
La robe est topaze, intense et brillante avec une corole caramel… Les larmes paraissent très lourdes et lentes. Le premier nez est très puissant avec un alcool présent mais qui s’estompe. Avec des arômes de fleurs séchées, de tabac (boîte à cigare), de poire caramel et de champignon fumé, le nez rappelle un peu également celui du Cognac et de la Chartreuse. Le second nez est toujours sur la poire, la banane flambée et le caramel à l’orange. Complexe et droit, des épices comme la cannelle finissent ce joli nez. La dégustation enfin présente une attaque fraîche et acidulée. On retrouve les vieux Sauternes un peu champignon, un peu sous-bois, un peu orange confite, un peu citronnette et un peu coing ! On sent bien sûr une perte de sucrosité. Longue et délicate, la bouche ample se termine sur une note saline avec des raisins de Corinthe confituré. La toute fin est mentholée, un peu de fraîcheur est très agréable. Un très joli vin, délicat et puissant… Un vieux Sauternes que l’on boirait bien en regardant crépiter son feu dans la cheminée en ce temps hivernal !
En cette fin d’année 2012, je tenais à finir sur une note sucrée et exceptionnelle. Je voudrais donc vous souhaiter à tous une heureuse et bonne année 2013… Quelle soit pleine de découvertes œnologiques, de dégustations et de bouteilles extraordinaires !