On entend souvent dire que les vins, en particulier de Bordeaux, sont des ‘jus de planche’… Que répondre à cette attaque ? Et bien que même si certains usent et re-usent des barriques surchauffées et neuves pour gagner un peu de corps, l’élevage en barrique peut aussi œuvrer en faveur du vin, lui apportant des arômes uniques et un velouté sympathique.
Le but de mon petit article, un peu technique, est de vous parler des arômes dûs à l’élevage en barrique. Les composés aromatiques existent dans le chêne naturellement mais en quantité infinitésimale. La chauffe permet d’accroître leur dosage et les révèle. Les doses varient également en fonction de l’origine du bois: chêne français ou chêne américain.
« Bois du vin, c’est lui la vie éternelle« .
Avant de parler des molécules en détail, je souhaitais revenir sur le terme « boisé » qui englobe trois familles d’arômes bien distincts: boisé, résineux et balsamique. Il est important de faire le distinguo afin de mieux les reconnaître lorsque l’on déguste un vin.
Le boiséprovient du séchage du bois. Les molécules proviennent des douelles de barriques qui ont séché pendant plusieurs mois. C’est une note chaude, asséchante, poussiéreuse… Elle est souvent décrite comme ‘jus de planche’, sciure, copeaux de bois, pelures de crayon à papier.
La note résineuseest celle que l’on perçoit lorsque l’on coupe un arbre. Fraîche, elle est celle de la sève, de la térébenthine, du vernis, du bois vert. Elle évoque bien sûr aussi les conifères : c’est la culture olfactive de l’Europe et de l’Amérique du Nord.
Attention, certaines résines exotiques ont des odeurs chaudes, gourmandes, sirupeuses, alimentaires comme le caramel, la vanille, les épices. Ce sont des résines que l’on retrouve en Amérique du Sud ou au Moyen-Orient comme le Baume du Pérou ou le benjoin. Alors, on parle de balsamique.Les arômes balsamiques sont souvent présents après un élevage en barrique et sont ceux qui apportent la rondeur.
Check point des différentes molécules que l’on trouve avec un élevage en barrique : voici une petite liste avec également les arômes apportés.
– Whisky Lactone: Le chêne frais est composé de quatre énantiomères. 2 isomères géométriques et deux isomères optiques qui sont la Trans-Whisky-Lactone et Cis-Whisky-Lactone. L’isomère Cis est plus puissant que le Trans. La whisky lactone apporte des saveurs de noix de coco râpée, de champignon, de céleri et même un goût amer à forte concentration. La whisky lactone est très présente dans le chêne blanc américain (90% sous la forme Cis), le chêne rouvre également contrairement au chêne pédonculé qui en est pratiquement dépourvu.
– Eugénol: Cette molécule a une odeur de clou de girofle ou d’antiseptique dentaire. Ce phénol volatil apparaît lors du séchage du bois et la chauffe légère à forte le décuple.
– Isoeugénol: Formé lors du chauffage de la barrique, cette molécule se trouve également dans le basilic, le clou de girofle, l’origan ou le baume Tolu. Elle a l’odeur de girofle.
– Vanilline: La chauffe moyenne libère la plus grande quantité de vanilline et sa concentration décroît avec la chauffe forte. Agréable, elle a une odeur de vanille, de pâtisserie, évoquant même les dragées, les biscuits, les cookies, le nougat et la glace à la vanille. On trouve cette molécule dans la gousse de vanille, le café, les bouchons de liège et le rhum.
– Gaïacol: Cette molécule apparaît avec une chauffe lourde et présente une odeur pharmaceutique, de clou de girofle et de fumé. On retrouve naturellement cette molécule dans le cacao, le café torréfié, le pop-corn et le tabac.
– 4-Méthyl-Gaïacol: Ce phénol volatil est lui aussi dû à une chauffe très lourde et a une odeur de fumé, de cuir, de clou de girofle et de vanille. Cette molécule existe naturellement dans le malt, le thé, le rhum, le sherry ou la vanille.
– Furfuryl Mercaptan: Souvent identifiée dans le Champagne, le Petit Manseng, le Sémillon et les vins rouges élevés en barrique, cette molécule a une odeur de café torréfié, de grillé, de pain grillé voir brûlé.
– Furanéol: On trouve cette molécule dans les Banyuls, les Portos et dans les Merlots sur-mûris mais également dans la chauffe des barriques. Elle rappelle le caramel, la fraise cuite, la barba papa et même l’ananas. Présent naturellement dans le sirop d’érable, c’est une jolie molécule.
– Maltol: Confiture de fraise, barba papa, caramel, pain grillé… On trouve souvent le Maltol dans le Chardonnay après un élevage en barriques neuves.
– Cyclotène: Cette molécule a une odeur de grillé, de réglisse, de goudron même si cette molécule est plutôt gourmande.
– Furfural: On retrouve cette molécule dans les vins doux naturels comme le Porto, les Banyuls ou les vins oxydés. Le furfural est aussi présent dans les raisins pourris (Botrytis Cinerea) et dans les fûts de chêne après chauffe. L’odeur rappelle l’amande douce, l’amande grillée et le caramel. On retrouve le Furfural dans la framboise, la cranberry, le thé noir et le whisky.
– 5-Méthyl-2-Furfural: Cet aldéhyde furanique est formé lors de la chauffe de la barrique et il apporte un côté doux, butterscotch, caramel et amande grillée au vin.
– Hydroxyméthyl-5-Furfural: Le chauffage des bûchettes, granulés et chips entraîne la libération dans le vin de cette molécule dont l’odeur est proche du précédent.
– 5-Ethoxyméthylfurfural: Cette molécule se trouve dans les vins doux naturels et apparaît surtout au vieillissement de vins ayant eu un élevage en barriques. L’odeur est celle de la cannelle et de l’amande grillée.
– Thiophene-2-thiol: Souvent présent dans les Champagnes et les vins au pH acides, ce thiol a une odeur de brûlé. A forte concentration, la molécule donne des odeurs de caoutchouc ou de plastique brûlé. A l’inverse, à faible concentration, la molécule offre une odeur de café fraîchement moulu.
– Syringol: Formé lors de la chauffe de la barrique, ce phénol volatil possède une odeur d’encre, de sparadrap, d’épices et même de sac plastique !!
– Trans-2-nonénal: Cette molécule est un défaut du vin. Elle apparaît lorsque le bois utilisé était vert ou mal séché. D’une odeur végétale, cette molécule est responsable de la fameuse ‘odeur de planche’. Punaise verte, planche, poussière, gras, huileux et même concombre… Si vous reconnaissez cette odeur, alors il s’agit de cette molécule. Elle est présente naturellement dans le concombre, les graines de sésame grillées, le melon, les asperges et même les artichauts.
– Méta: Naturellement dans le charbon, le café torréfié et la myrrhe, cette molécule a une odeur de goudron, de suie ou de plastique brûlé. Elle apparaît lorsque la chauffe de la barrique est forte.
Maintenant que vous en avez pris pleins les yeux et que vous allez rêver molécules, n’oubliez pas que ces arômes ne sont pas du goût de chacun. Certains préfèrent un vin fruité, d’autres préfèrent un vin avec des arômes boisés…